Le cheminement d'un jeune homme pour se reconstruire. Un récit tout en pudeur et en réalisme.
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L'histoire
Pierre a 28 ans et a tout quitté, du jour au lendemain, pour s'installer dans une petite maison en bordure d'une départementale. Du fond de sa solitude, il tente de vivre, jour après jour. Mais quelle est la raison profonde qui a poussé ce jeune homme à changer totalement de vie pour se mettre entre parenthèse ?
Mon avis
Ce roman est une parenthèse que j'ai beaucoup appréciée. Ce portrait clairvoyant, sensible et incisif est une jolie découverte.
L'auteur y dépeint, tout en sensibilité, le moment d'une vie où on a l'impression de toucher de fond... et surtout la force et le courage qu'il faut pour faire son propre cheminement et revenir à la lumière. Sans tomber dans des clichés trop faciles, l'auteur sait rester dans la pudeur tout en restant dans l'extrême précision des sentiments et des ressentis. Les analyses sont fines, l'écriture est fluide et ciselée.
Une belle découverte.
Extraits
"[...] La société craint d'être dérangée. Ce n'est pas qu'elle aime l'ordre, non : l'ordre demande trop d'efforts. Elle aime la tranquillité. Voilà le secret. La société est un chœur. Certains sont heureux dans l'unisson, d'autres chantent en canon, d'autres ont leur petite chanson. On peut chanter faux, on peut chanter mal, on peut chanter à contretemps. On dérange seulement quand on chante trop fort". Page 33.
"J'entends ce sifflement glacial, le déchirement permanent, l'arrachement du deuil, le bruit du siphon qui aspire, je suis le tourbillon et les particules qui se raréfient, je suis le trou noir infini et j'ai tout dévoré et mon gouffre béant est comme une bouche qui baise le vide. Voilà ce bruit dégoûtant que j'écoute.
Et comme je ne sais pas encore hurler, je tâche de transformer ce bruit en mots. J'essaie d'écrire, c'est tout ce que j'ai.
Mais écrire, ce n'est pas oublier. Ecrire ne console pas, écrire ne ment pas. Ecrire, c'est vivre, vivre, vivre, c'est exister encore plus, encore plus fort, et la souffrance, loin de s'effondrer, monte en puissance dans les poumons des mots et crie de toutes ses forces." Page 146.
"Si un homme ne s'accorde pas avec ses semblables, c'est peut-être qu'il entend le son d'un autre tambour H.D. THOREAU Walden". Page 157
"Ce qui rend une personne digne d'amour, ce n'est pas la somme de ce qu'elle a fait. Seule la justice s'intéresse aux actions : la morale disait Schopenhauer, ne s'intéresse qu'aux intentions. L'amour aussi. On doit juger ceux qu'on aime sur leurs convictions, leurs ambitions, leurs désirs, leurs aspirations, les qualités qu'ils se prêtent, les défauts qu'ils se reconnaissent, les sentiments qu'ils n'avouent pas et q=dont il ne faudra jamais attendre de preuve. Et comme tout cela est inconnaissable, il est préférable de ne pas les juger du tout. Prendre les autres tels qu'ils se donnent. Les aimer pour ce qu'ils ne sont peut-être pas, mais qu'ils voudraient être. Les aimer sans preuve, parce qu'on a trop besoin d'eux. Les aimer dans l'absolu." Page 198 et 199.
Note : 4/5
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Editions du Rouergue
Parution août 2009
219 pages
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